Harcèlement moral ou sexuel : la prise d’acte de la rupture du contrat est-elle par nature justifiée
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Pour la Cour de cassation, pour que la prise d’acte ait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, encore faut-il que les manquements de l’employeur soient d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 20/01/2010 n°08-43476 ; Cass. soc. 30/03/2010 n°08-44236 ; Cass. soc. 30/05/2013 n°12-00226 ; Cass. soc. 29/01/2014 n°12-24951 ; Cass. soc. 26/03/2014 n°12-23634 + 12-21372 + 12-35040 ; Cass. soc. 12/06/2014 n°13-1448 + 12-29063 ; Cass. soc. 21/01/2015 n°13-16452 ; Cass. soc. 18/02/2015 n°13-1804).
Cependant, pour la Cour de cassation, certains manquements de l’employeur justifient, par nature, la prise d’acte ou la résiliation judiciaire : dès lors que ces manquements ont été constatés, il n’y a pas lieu de mener le débat plus avant sur leur caractère de gravité, la demande du salarié étant nécessairement accueillie par les juridictions.
C’est le cas des manquements suivants :
1./ Atteinte à la dignité du salarié : propos dégradants et humiliants à l’encontre du salarié constituant un manquement grave de l’employeur à ses obligations constituant un manquement grave de l’employeur à ses obligations (Cass. soc. 21/02/2012 n°10-17393) ;
2./ Infraction à une obligation de sécurité de résultat :
Tabagisme passif et non-respect des dispositions du code de la santé publique, même si les conséquences sur la santé du salarié ne sont pas avérées (Cass. soc. 06/10/10 n°09-65103),
Agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un de ses salariés, même si l’employeur a mis en œuvre des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre au salarié de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité, et si les agissements ont cessé (Cass. soc. 03/02/2010 n°08-44019 ; Cass. soc. 19/11/2014 n°13-17729).
Mais, à propos de cas de harcèlement moral et sexuel, la Cour de cassation semble prendre une position moins tranchée dans son arrêt du 11/03/2015 (Cass. soc. 11/03/2015 n°13-18603).
Dans cet arrêt, la Cour a certes rappelé que si l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, il manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements.
Mais la Cour a ajouté qu’il appartient aux juges du fond d'apprécier si ce manquement a empêché la poursuite du contrat de travail.
Doit-on en déduire que le harcèlement moral ou sexuel a perdu son classement de manquement justifiant « par nature » une prise d’acte ?
Ou bien plus largement, serait-ce la catégorie d’« infraction à une obligation de sécurité de résultat » ?
Affaire à suivre.
Rappelons toutefois qu’en 2009, la Cour de cassation avait confirmé le rejet d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail fondée sur des actes de harcèlement moral ayant cessé au jour de la décision de justice, précisant que les juges du fond étaient en droit de tenir compte de toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu’au jour de leur décision (Cass. soc. 01/07/2009 n°07-44198).