Convention collective et modification du contrat de travail par l’employeur (Cass. soc. 10/02/2016 n
Rappel de jurisprudences en matière de modification du contrat de travail par l’employeur :
1./ Si une modification « substantielle » du contrat de travail a été refusée par le salarié (ici diminution de primes), l’employeur ne peut déduire de la poursuite du travail par ce salarié que la modification a été acceptée;
(Cass. soc. 08/10/87 n°84-41902)
2./ L'acceptation par un salarié de la modification de son contrat de travail (ici entraînant une diminution de salaire) ne peut résulter de la seule poursuite du travail par le salarié, sauf à relever d'autres éléments dont pourrait être déduite la volonté non équivoque du salarié d'accepter cette modification;
(Cass. soc. 07/02/90 n°85-44638)
3./ Si un salarié, à aucun moment, n’a refusé son affectation, ni contesté l'avis du médecin du travail qui imposait cette modification de son contrat dès lors que ses fonctions antérieures impliquaient des contacts physiques avec des personnes extérieures à l'organisme, qu'il n'a pas réagi à sa nouvelle affectation durant cinq ans et n'a jamais sollicité du médecin du travail un réexamen de sa situation en vue d'exercer à nouveau des fonctions en relation avec la clientèle, faute d’avoir signé un avenant le salarié n’avait pas donné son accord exprès à la modification de son contrat de travail;
(Cass. soc. 29/11/11 n°10-19435)
4./ Un accord collectif ne peut modifier le contrat de travail d'un salarié.
(Cass. soc. 25/02/03 n°01-40588 ; Cass. soc. 11/03/09 n°07-44051)
Ainsi, la modification d’un élément essentiel du contrat de travail, comme la rémunération, requiert l’accord exprès et préalable du salarié, accord qui ne peut être déduit de la poursuite du contrat de travail avec les modifications.
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Mais, en est-il de même, si une convention / accord collectif / charte prévoit que l’absence de réponse écrite du salarié dans un délai déterminé vaut acceptation de la modification du contrat de travail ?
Dans cette affaire du 10/02/2016, un salarié avait été engagé par la société FC Nantes par contrat à durée déterminée (CDD) en qualité de joueur professionnel pour 3 saisons successives. Deux ans plus tard, le club informe ce joueur que, du fait de sa relégation en ligue 2, la rémunération contractuelle ne pourra pas être maintenue.
Il s’avère que l'article 761 de la charte de football professionnel prévoit, en cas de relégation en division inférieure, que les clubs ont la faculté de diminuer la rémunération de leurs joueurs de 20% et qu'au-delà de ce pourcentage, les clubs peuvent proposer individuellement à leurs joueurs par écrit avant le 30 juin avec copie à la ligue du football professionnel (LFP), une diminution de la rémunération, la réponse du joueur devant intervenir dans un délai de 8 jours de la réception de la proposition écrite, que l'absence de réponse écrite du joueur dans le délai indiqué vaut acceptation de la diminution proposée par le club.
Il s’avère que le club avait adressé au joueur un courrier recommandé, que le joueur n'avait contesté la baisse de sa rémunération que plus d'une année plus tard auprès de la LFP, soit hors délai de la charte.
Le joueur saisit la juridiction prud'homale. Au vu de la charte, la Cour d’appel donna tort au salarié.
Mais la Cour de cassation a cassé l’arrêt, en jugeant que sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié, et qu’il n’avait pas été constaté que le joueur avait donné son accord exprès à la réduction de rémunération décidée par le club de football.
En conclusion :
1./ Sauf disposition légale contraire, l’employeur ne peut s’appuyer sur une convention collective pour modifier unilatéralement le contrat de travail, ni se prévaloir du silence du salarié. Il faut l’accord exprès du salarié ;
2./ Parmi les dispositions légales contraires, nous avons :
a/ L’article 1222-6 du code du travail relatif à la modification du contrat pour motif économique et qui prévoit : « Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L.1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée » ;
b/ Les accords portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation courantes sans projet de réduction d'effectifs (art. L.2242-17, -18, -19 du code du travail), la loi prévoyant que les stipulations d’un tel accord conclu sont applicables au contrat de travail et que les clauses du contrat de travail contraires à l'accord sont suspendues ;
c/ L’article 45 de la loi Warsmann n°2012-387 du 22/03/2012 (art. 3122-6 du code du travail) qui prévoit que : « La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. Le premier alinéa ne s'applique pas aux salariés à temps partiel. »